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vendredi 25 juin 2010

Guy Roux : «Cherchez bien, car il doit y avoir d’autres Zidane en Kabylie»


Guy Roux, l’ancien coach auxerrois, se trouve en Afrique du Sud pour le Mondial 2010. Consultant sur des chaînes de télévision françaises, Canal+ et Europe 1, l’ancien entraîneur du club bourguignon, qui a suivi les rencontres de la sélection nationale, considère que l’élimination au premier tour de l’Algérie n’est pas une fin d’épopée, contrairement à certains. L’entraîneur français affirme dans cet entretien que l’Algérie a, certes, perdu deux matches, mais elle a gagné une grande équipe d’avenir.

Tout d’abord, un commentaire sur l’élimination de la sélection algérienne au premier tour de la Coupe du monde ?
Je dois d’abord dire que malgré une longue absence en Coupe du monde qui aura duré 24 ans, la sélection algérienne est revenue sur la scène du football mondial. Je crois que pour un retour parmi les grands, l’Algérie n’a pas fait que de la simple figuration. Au contraire, elle a présenté un visage plus que séduisant. Malgré son élimination, la sélection algérienne a laissé apparaître de réelles capacités en tenant tête aux trois équipes du groupe. Je pense qu’avec un peu plus de chances et de réussite, l’Algérie aurait pu facilement se qualifier aux huitièmes. Franchement, j’éprouve beaucoup de regrets par rapport à cette élimination. Mais les Algériens doivent se montrer fiers de leur équipe nationale.

Vous vous dites vraiment être déçu de l’élimination de la sélection d’Algérie ?
Je ne vous cache pas que j’ai d’abord été frustré par la sortie prématurée de l’équipe de France de ce Mondial 2010 autant que j’ai été peiné par l’élimination de l’équipe algérienne qui a réalisé trois belles prestations. A mon avis, les Verts méritaient beaucoup mieux. Mais par rapport à ce qu’elle a laissé apparaître, j’insiste pour dire que les Algériens doivent se montrer fiers de leur Equipe nationale.

Vous paraissez très séduit par cette nouvelle génération qui compose l’Equipe nationale algérienne ?
En effet, mais je trouve que cette élimination ne devrait pas être la fin de cette équipe. Pour moi, ce n’est que la naissance d’une grande équipe qui renferme d’excellents joueurs et qui déjà possède un grand potentiel. Je pense qu’il va falloir la préserver. Les autorités algériennes sont appelées à mettre tous les moyens à la disposition de cette jeune équipe dont la moyenne d’âge ne dépasse pas les 25 ans et qui a les capacités pour aller encore très loin.

Qu’est-ce qui vous a séduit le plus dans cette sélection ?
Pour être sincère avec vous, j’ai été agréablement séduit par le rendement collectif du groupe. Bien que je me trouve en Afrique du Sud, je n’ai pas eu l’occasion d’assister aux matchs de la sélection algérienne. Mais grâce à la télé, j’ai pu suivre les trois matchs de l’Algérie face à la Slovénie, l’Angleterre et les USA. Lors des trois rencontres, j’ai pu apprécier la qualité du football produit par l’Equipe nationale algérienne.

C’est sûrement le compartiment défensif qui vous a aussi séduit, non ?
En effet, le compartiment défensif m’a beaucoup séduit, mais aussi j’ai été impressionné par les prestations du gardien de but M’bolhi face à l’Angleterre et contre les Etats-Unis surtout. Par ses interventions durant les deux matchs qu’il a joués, il a prouvé qu’il reste gardien hors du commun. Pour moi, ce garçon est destiné à un bel avenir.

Y a-t-il d’autres joueurs dans le compartiment défensif qui ont retenu votre attention ?
Je n’ai pas l’habitude de citer les noms de joueurs, mais je dois dire que tous les éléments évoluant en défense ont retenu mon attention.

Que pensez-vous du rendement des joueurs qui composent l’entrejeu ?
Les milieux de terrain défensifs sont excellents et ont parfaitement rempli leur mission. Mais il a manqué à ce compartiment un vrai patron, un créateur pour alimenter la ligne d’attaque. Pour cela, je vous conseille d’aller voir en Kabylie où il doit sûrement y avoir d’autres Zinedine Zidane(rire) pour combler ce vide au sein de la sélection. Non, mais c’est vrai qu’il faut un bon milieu offensif. S’il y avait au sein de cette équipe un joueur comme Saïb des années 90, il ça aurait fait l’affaire. Par rapport à ses qualités, Mouss pouvait être le patron de cette équipe.

La ligne d’attaque a été le point faible de la sélection algérienne. Votre avis ?
En effet, j’ai constaté cela. Pour moi, la ligne d’attaque algérienne manque d’un ou deux attaquants de métier. C’est un peu le cas de l’équipe de France qui en ce moment souffre aussi de l’absence d’un véritable buteur. L’équipe d’Algérie a besoin d’un grand attaquant comme l’Ivoirien Drogba. S’il yen avait un comme lui au sein de la sélection, il est sûr que l’Algérie serait aujourd’hui aux huitièmes de finale.

Au début de l’entretien, vous nous avez dit que l’Algérie a fourni son meilleur match contre les USA. Pourquoi ?
Je maintiens ce que j’ai dit et ce, pour la simple raison que face aux USA, l’équipe d’Algérie s’est créé plus d’occasions que face à la Slovénie et l’Angleterre. Mais elles ont été malheureusement ratées en l’absence d’un buteur.

Boudebouz est resté plus longtemps sur le banc. Ne pensez-vous qu’il était préférable de l’intégrer plus souvent ?

Je ne peux répondre à cette question pace que cela concerne le coach Saâdane. Je crois qu’il est le mieux placé pour répondre à cette question. Saâdane connaît mieux que quiconque sa sélection et s’il a décidé de ce choix, c’est qu’il a sûrement ses raisons.

En parlant de Saâdane, pensez-vous que son maintien est préférable ?
J’ai pu suivre le parcours de la sélection algérienne en Coupe d’Afrique et en éliminatoires de la Coupe du monde, notamment les deux confrontations face à l’Egypte. J’ai pu suivre aussi les matchs de l’équipe d’Algérie lors de la Coupe d’Afrique. En voyant les prestations de l’équipe d’Algérie, pour moi Saâdane a réalisé un excellent travail qui est en train de porter ses fruits, même si l’Algérie a été éliminée au premier tour de cette Coupe du monde.

Qu’est-ce qu’il vous plaît en lui ?
Saâdane est un entraîneur qui a une longue expérience qu’il a pu mettre au profit de la sélection algérienne. Je pense que son maintien à la tête de la sélection est préférable, je dirai impérative même. Vous avez une équipe d’avenir et avec Saâdane à sa tête, elle de grandes chances d’aller au Mondial 2014.

Extrait du magazine "le buteur"

jeudi 24 juin 2010

Les singes magots attaquent !!!


Les villageois de Tala n’Tazert, relevant de la commune d’Iboudrarène dans la wilaya de Tizi Ouzou, ne savent plus où donner de la tête, car ils se sentent de plus en plus menacés par les singes magot qui pullulent dans la région et s’attaquent régulièrement aux maisons et aux citoyens. Faisant montre d’une agressivité inhabituelle qui met en danger la population locale, ces primates indésirables s’en prennent régulièrement aux toits des maisons et aux cultures maraîchères pour tout détruire sur leur passage. Ils arrachent même les tuiles des maisons et les balancent rageusement sur les passants, surtout les enfants du village qui sont ainsi exposés quotidiennement à des dangers imminents. Des villageois de Tala n’Tazert se sont même déplacés hier au bureau de Liberté de Tizi Ouzou pour tirer une véritable sonnette d’alarme face à cette invasion dangereuse, surtout que le singe magot est une race protégée par le Parc national du Djurdjura, ce qui constitue un véritable dilemme pour les citoyens.

lundi 21 juin 2010

Quand l'Algérie inspire Domenech

Il a cité l’équipe algérienne comme exemple à suivre

Qui l’eut cru avant le début de la Coupe du monde ! Le jeu de l’équipe nationale algérienne est cité par le sélectionneur français comme une référence et l’exemple à suivre pour réussir un bon Mondial.

“J’ai vu jouer l’équipe d’Algérie et je dis : ‘Ben voilà, le don il est là’, c’est à une touche, deux touches, s’engager, jouer, défendre, attaquer et rêver le plus longtemps possible. Une Coupe du monde, c’est ça, il faut aller au bout du rêve. Il y a eu un nuage, il faut ramener autre chose” ; ces propos sont de Raymond Domenech, l’entraîneur de l’équipe de France.
Eh oui, incroyable mais vrai, le sélectionneur français a cité en exemple le jeu de l’équipe d’Algérie, duquel, selon lui, devraient s’inspirer ses joueurs, avant le dernier match du groupe A de la France, demain à Bloemfontein contre l’Afrique du Sud, dans une chronique vidéo diffusée hier sur le site de la Fédération française de football (FFF). Les Tricolores, dont les ambitions étaient sans limites avant le début de ce Mondial, sont tombés bien bas. Le match de haute facture fourni, vendredi soir, par les protégés de Rabah Saâdane contre les Anglais constitue une référence pour le coach de l’équipe de France qui a disputé et perdu aux tirs au but, il y a quatre années, la finale de la Coupe du monde en Allemagne contre l’Italie.
Ayant apparemment perdu toute leur verve, les Bleus sont appelés à prendre exemple sur les Verts d’Algérie, absents de ce rendez-vous planétaire du football depuis un quart de siècle. C’est à croire que c’est le monde à l’envers ! La France, championne du monde en 1998, et finaliste en 2006, est en admiration devant le jeu pratiqué par les Karim Ziani, Nadir Belhadj et autres Madjid Bougherra sous la direction d’un entraîneur algérien.
Rabah Saâdane est le seul sélectionneur africain dans cette compétition, où la majeure partie des pays s’est offert des coaches de renom. C’est tout à l’honneur de l’Algérie, qui a forcé le respect des spécialistes. Ils étaient nombreux à en faire les éloges. Cela est très positif, mais il appartient à nos représentants de ne pas tomber dans le piège en poursuivant l’effort jusqu’au bout pour montrer au monde que la prestation face aux hommes de Fabio Capello n’était pas un feu de paille.
On a été séduits par cette équipe qui semble receler de grandes potentialités pour réussir. C’est le moment ou jamais de confirmer, sous peine de sombrer à nouveau dans le néant. Ainsi, le plus dur reste à faire, car le plus difficile est de maintenir ce rythme imposé aux coéquipiers de Frank Lampard, qui ont été surpris par autant d’audace et de maîtrise. Face aux États-Unis mercredi, il faut aller jusqu’au bout de l’effort et arracher la qualification au second tour de la compétition. Les Algériens ne veulent pas se réveiller dans la déception après-demain parce qu’ils croient dur comme fer que les camarades de M’Bolhi ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Un match a suffi à impressionner Raymond Domenech, alors qu’en serait-il si l’Algérie allait plus loin dans ce Mondial ?

dimanche 20 juin 2010

Donner votre avis

Un grand merci à tous pour ces nombreux messages que vous nous envoyez. Soyez encore plus nombreux à donner votre avis sur le look du nouveau site

La rédaction

jeudi 10 juin 2010

D'autres photos...





Quelques photos






Suite à de nombreux mails nous réclamant des photos de la kabylie...

Ecoles françaises en Kabylie au XIXe siècle






Chez les Kabyles

« Jamais le public français n’a trouvé d’aussi belles occasions de se renseigner sur notre colonie algérienne : l’année 1891 aura été pour lui une année d’études africaines.
« Cela a commencé par le rapport de M. le sénateur Pauliat ; puis est venue l’interpellation de M. Dide au Sénat et quatre jours de discussions dans la haute assemblée ; puis on a formé une commission d’enquête, et nombre de fonctionnaires algériens, même des chefs indigènes, ont été appelés à déposer devant elle.
« Au Parlement et dans la presse, toutes les questions algériennes : colonisation, relation avec les indigènes...
« Un grand chef religieux, un .des marabouts les plus révérés, Ben Ali Chérif, qui joua un rôle important lors de l’insurrection de 1871, déclarait que l’ouverture d’écoles était « le seul moyen, pour la France, de civiliser les populations et de se les assimiler par la conquête morale ».
« Enfin M. Masqueray, chargé par le ministère de sonder les dispositions des montagnards, avait réuni dans des espèces de meetings les petits chefs des villages. Il avait été acclamé, lorsqu’il leur avait annoncé des écoles, ouvertes aux pauvres comme aux riches, et où il ne serait pas dit un mot de religion : « ni chrétienne ni musulmane ».
« Le terrain était donc bien préparé, et il n’est pas étonnant que près de cinquante écoles indigènes, environ le tiers de toutes celles que possède la colonie, se trouvent rassemblées dans cette région très restreinte de la grande et de la petite Kabylie.

« Nos dessins représentent trois de ces établissements : l’école primaire de Taourirt.-Mimoun, chez les At-Yenni ; l’école normale d’Aït-Larba, dans la même tribu : l’école des filles de Taddert-ou-Fella.
« La première est une des quatre décrétées en 1881 ; les deux autres ont été créées aux frais de la commune de Fort National.
« Les Ait Yenni possédait, en outre, une petite école congrégationiste fondée en 1871 par les jésuites, elle est dirigée ensuite par les Pères Blancs du cardinal Lavigerie.
« On voit que les Ait Yenni, à ce point de vue, ont été favorisés. Ils le méritaient. C’est, un petit peuple d’environ cinq mille âmes, répartis entre six villages. Ils habitent une crête abrupte au sud de Fort National, élevée de près de mille mètres au dessus du niveau de la mer et qui, cette année, a été couverte de neige pendant près de trois mois.

« Ils sont bons agriculteurs comme la plupart des Kabyles, et très industrieux. On a pu admirer à l’Exposition universelle de 1889 les spécimens de poteries, armes, bijoux, fabriqués dans leurs « gourbis ».
« Leur école ministérielle comprend trois classes et environ 140 élèves. Nous donnons la vue d’une de ces classes, ornée de tableaux d’histoire naturelle.
« M. Verdy Franc-Comtois, natif d’Aïssey (Doubs) et, élève de l’école normale de Besançon. Il a tous les grades que peut conquérir un instituteur. Cependant il a préféré aux postes de France cet exil en Kabylie. « A l’angle du dessin, on remarquera ses deux adjoints : l’un français, l’autre indigène. Celui-ci, Ali ou Ramdan, qui porte le costume kabyle, a fait ses études d’abord chez les jésuites d’Aït Larba, puis au cours normal d’Alger.

« Une autre de nos planches représente l’école manuelle d’Aït Larba, dirigée par M. Verdon. C’est un grand hangar très bien éclairé, muni de tous les outils d’un atelier de forgeron européen. On y travaille le fer.

« Nos apprentis, avec leur chéchia inamovible sur le crâne, les pieds nus ou chaussés, le tablier de cuir autour des reins, se tirent à merveille de leur tâche. Leur maître est enchanté d’eux. Il prétend que de jeunes européens ne s’assimileraient pas le métier si rapidement que ces porteurs de burnous.

« Un tel enseignement complète très heureusement celui de l’école primaire. Les Kabyles comprennent fort bien de quelle utilité est pour eux la connaissance du français ; mais ils sont pauvres, très pauvres, et ils ont besoin d’arriver promptement à savoir un métier.

« Voilà pourquoi ces lauréats de la grammaire, du calcul et de l’histoire de France, manient si allègrement le lourd marteau, la grande lime, les tenailles et le soufflet de forge. Il faut que bientôt ils gagnent leur vie et fassent vivre leurs parents. De plus, on se marie jeune dans la montagne ; il faut acheter sa femme ; on se trouve chargé de famille presque sans avoir eu le temps d’y penser.

« Pour encourager nos jeunes apprentis, on s’arrange à leur donner tout de suite une rétribution : quelque quinze ou vingt francs par mois, ce qui est une petite somme dans le pays. En échange, ils fabriquent ou réparent les outils de la commune.
« Nous avons très peu d’écoles de filles ; il n’y en a pas quinze dans toute l’Algérie, et nous n’instruisons guère qu’un millier de fillettes sur une population d’environ 1.700.000 femmes musulmanes.
« C’est que le problème est très difficile à résoudre. Les sectateurs de l’islam ont plus de préventions pour les garçons.

« Mme Malaval, une jeune veuve en deuil de son mari, a reporté sur les écolières pleines d’esprit naturel et de bonne volonté, toutes ses affections.
« Elle les instruit assez bien pour que plusieurs aient conquis leur certificat d’études ; l’une d’elles a même le brevet élémentaire. Mais elle sait que ces titres ne leur ouvrent que de rares débouchés : tout au plus si deux d’entre elles obtiendront un emploi de monitrice indigène.
« Elle cherche donc à faire d’elles de bonnes femmes de ménage, qui puissent un jour apprivoiser leur mari à moitié barbare par plus d’ordre et de propreté dans le gourbi, par des talents de couturière, par de savoureux petits plats à l’européenne.
« Aussi, à tour de rôle, les fait-elle s’activer à la cuisine, au verger, au potager, à la basse-cour.

« Nous la voyons ici, sous la frondaison des arbres africains, entourée de ses écolières petites et grandes, pieds nus pour la plupart, pauvrement vêtues, mais la chevelure coquettement teinte en noir, (c’est défendu à l’école ; mais les jours de sortie !) ; sous leurs yeux émerveillés, elle coupe des patrons, assemble des pièces d’étoffes, enseigne les points de couture les plus variés, fait manœuvrer la machine à coudre. Et avec leur air un peu indolent, au fond très attentif, avec leurs grands yeux de gazelle, elles regardent. Elles tâchent de se fixer en l’esprit tous ces raffinements du génie féminin de l’Europe.

« Et un jour, rentrées dans leurs villages, ayant oublié beaucoup de leur arithmétique et de leur histoire, tout en gardant précieusement leur français, c’est surtout avec l’aiguille et la cuiller à pot dans les mains qu’elles seront des missionnaires de la civilisation européenne.
« Elles appartiennent à une génération qui sera un peu sacrifiée, car elle sera dans le pays la première génération de femmes instruites ; mais elles prépareront aux suivantes une destinée déjà un peu meilleure.
« La femme kabyle, qui n’apporte pas de dot dans le ménage, qui au contraire a coûté son prix d’achat, n’est qu’une esclave que le mari peut exténuer de travail, corriger et battre, répudier et chasser à volonté.
« Cependant la conquête française a déjà amené un premier résultat : le prix d’achat des femmes a augmenté ! Le lent progrès de nos idées dans les têtes kabyles amènera sans doute, à la longue, un autre résultat : après le prix vénal, le prix moral de la femme kabyle pourrait bien subir une hausse. »

Geneviève Harland

mercredi 9 juin 2010

La solidarité pour briser l’enclavement d’Aït Ouabane


Les rites ancestraux à Tizi Ouzou
(Extrait du journal liberté)

Le rituel agraire Thiregwa intervient une fois par an, le dernier week-end du mois de mai. On lui attribue dans la région des puissances invisibles de tout ordre, selon la foi et la conception de la population locale, car permettant d’évoquer Dieu et les saints de la région.

Aït Ouabane est un village d’environ 4 000 habitants – dont plus d’un millier vivent à l’extérieur – enclavé au pied du mont faisant aujourd’hui parti du Parc national du Djurdjura, vu son patrimoine forestier et sa nature (faune et flore) en général assez particuliers. Il est délimité par le massif montagneux, côté est Béjaïa, à l’ouest les localités de Yatafène et d’Iboudrarène, au nord Aïn El-Hammam et Iferhounène et au sud la wilaya de Bouira
Le village d’Aït Ouabane est historique non seulement par son relief, mais pour avoir été un lieu de refuge pendant la guerre de libération. Qui ne se souvient pas de la bataille d’Aït Ouabane en décembre 1957 ? Bataille qui a marqué toute la population de la Haute-Kabylie, où le village a été rasé, car l’armée française avait détecté la présence du colonel Amirouche et sa troupe, réfugiés dans la maison d’Ibrahim Ouali Salah. La maison en garde encore de nos jours les traces. Nul doute qu’Aït Ouabane est un village martyr qui compte pas moins de 200 moudjahidine. Chaque année, à la même période, les villageois s’attellent à l’organisation d’une manifestation d’une grande affluence populaire. Ce rituel agraire Thiregwa, à qui on attribue dans la région des puissances invisibles de tout ordre, selon la foi et la conception de la population locale, permet d’évoquer Dieu et les saints de la région, sans qui il n’y aurait pas d’abondance ni baraka. Ce rituel intervient une fois par an, au dernier week-end du mois de mai. Prélude à une saison de récolte abondante. Étant un village isolé, la solidarité des habitants s’impose face à l’enclavement. Les habitations ainsi que les parcelles de terrain se situent sur les rives d’un cour d’eau permanent qu’il faut exploiter en période de chaleur et de soif et éviter en hiver. Pour rétablir les réseaux d’irrigation (Thiririth n’Thregwa), timechrat (sacrifice de l’offrande) est nécessaire. Tout le monde doit se mettre de la partie pour accomplir sa tâche. Très tôt le matin, les hommes du village doivent répondre à l’appel, la présence de chacun est obligatoire et indispensable, nul n’est censé présenter une excuse ou un alibi, sauf en cas de maladie grave ou empêchement extrême.
Une fois réunis, tôt le matin, les hommes sont désignés selon les compétences de chacun, qui pour la dhbiha (le sacrifice), qui pour les travaux de canalisation, la construction de la digue (retenue de l’eau, sorte de réservoir naturel)… Vers midi, tout le monde déjeune d’un repas consistant en un couscous traditionnel soigneusement préparé avant de l’offrir au saint. Tous les villageois doivent se munir d’une cuillère — fidélité à la règle d’hygiène ancestrale — et goûter indifféremment de chaque récipient dont on ignore le propriétaire ; une façon de marquer la réconciliation entre les compatriotes.
N’est-ce pas là un geste humain à caractère civilisationnel ? Ainsi, même les ennemis peuvent à l’occasion se partager “thagoula d’lemleh”, mets et sel, occasion d’outrepasser les inimitiés, de se pardonner et d’oublier les rancunes. L’écoulement de cette eau limpide qui, outre l’arrosage, laverait aussi bien les impuretés que les différends.
On attribue aussi au saint Sidi Hend Ouamrane plusieurs vertus thérapeutiques dont la stérilité féminine, la dépression et autres maladies psychiques : l’agressivité “ijenniwen”, l’épilepsie “imsigmane”… Ce jour-là, l’enfant né entre les deux rites de timechrat sera découvert pour la première fois au lieu saint de Sidi Hend Ouamrane après avoir donné “asefdhar”, un mets de la maison offert par ses parents. Il viendra ainsi s’ajouter au groupe. Il convient ici de souligner que cette pratique concerne les deux sexes sans aucune distinction, sachant que les deux étant nécessaires à la survie de la race et à l’agrandissement du groupe et de la force de production.
Une fois de plus, dans ce genre de rite, la vie et la mort, comme le sacré et le profane, se côtoient ; c’est là peut-être où le génie agropastoral se lie au soufisme et se mettent à l’épreuve : pas d’interdit, pas de ségrégation, ni d’inimité ou de mépris, c’est le don de soi, de sa richesse, de sa possession qui est renforcé. Être au service de l’autre, de sa communauté.
Aujourd’hui, beaucoup de gens des localités voisines (Selloum, M’cheddala, Mayot…) y croient encore et viennent pour s’y soigner. Une véritable marée humaine à majorité féminine merveilleusement bien vêtue en harmonie avec les couleurs de la nature viennent visiter, échanger des idées, se rencontrer… Timechrat, zarda, waâda… sont des rituels soufis.